Après Exxon, une banque australienne épinglée pour défaut de reporting climat

Dans un monde anglo-saxon dominé par le devoir fiduciaire, industriels et financiers sont de plus en plus scrutés sur leur intégration du risque climat, dont le déni pourrait devenir assimilable à une fraude ... (en accès libre)
D'abord mis en cause par la justice américaine puis par ses actionnaires, le pétrolier américain Exxon a compris la leçon et cherche maintenant à se refaire une vertu sur la prise en compte de l'impact du risque climatique sur ses activités. Historiquement climatosceptique, et niant les rapports scientifiques sur le réchauffement global, l'entreprise américaine avait été mise en cause par le procureur de l'Etat de New-York dès 2015, au motif qu'elle aurait manqué à son devoir fiduciaire en n'informant pas ses actionnaires sur la dépréciation de ses actifs (stranded assets) liés à l'exploitation à long terme des énergies fossiles. Une investigation basée sur une loi de 1921 (Martin Act) qui autorise des poursuites par le ministère public sur la base de dissimulation, tromperie ou ... fraude dans la communication financière. En 2017, ce sont les actionnaires d'Exxon (notamment le fonds de pension de l'Etat de New-York), appuyé par d'autres institutionnels actionnaires dont le géant de la gestion d'actifs BlackRock, qui ont enjoint à l'entreprise, dans une résolution adoptée à 62% des voix, d'élaborer des stratégies compatibles avec la trajectoire "2 degrés" des accords de Paris. Une mise en casue aggravée par la révélation de documents internes montant que l'entreprise connaissait l'impact du risque climat sur son activité depuis ... 1994, tout en communiquant le contraire au public.
De l'autre côté de la planète, c'est la Commonwealth Bank of Australia qui vient d'être mise en cause par deux de ses actionnaires représentés par une ONG (Environmental Justice Australia), sur des fondements similaires d'obligation de disclosure véridiques et honnêtes dans les rapports financiers ("true and fair view"), selon la réglementation australienne. Selon l'ONG, le rapport annuel 2016 de la banque, la plus grosse d'Australie avec un bilan de 976 M AUS$, n'est pas conforme au motif qu'il omet l'exposition au risque climat. La banque, qui clôture son exercice au 30 juin, vient pourtant de publier son rapport annuel 2017... apparemment à ce jour sans amélioration notable.
Bientôt une fraude pour déni de risque climat
Intégrer le risque climat dans ses cash-flows futurs, c'est tout simplement la concrétisation des recommandations de la Task Force for Financial Disclosure (TCFD) qui a rendu ses conclusions en juin 2017 (lire nos articles ci-dessous). Ce qui devient intéressant à la lumière de ces deux affaires, c'est que l'absence de prise en compte du risque climat pourrait bien à l'avenir s'assimiler à une fraude, et que la définition du devoir fiduciaire elle-même évolue dans ce sens (lire ci-dessous nos articles "Assureurs et fonds de pension ouvrent leur devoir fiduciaire à l'ESG" et "Le High Level Expert Group invite les critères ESG dans le devoir fiducaire").
La France s'est dotée d'un arsenal réglementaire parmi les plus complets au monde en matière de reporting ESG, mais, en cette première année d'application, des progrès restent encore à faire (lire notre article "Les investisseurs peinent à intégrer le reporting climat"). Ces deux affaires montrent en tout cas que l'intégration du risque climat par les industriels et les financiers sera maintenant le sens de l'histoire dans le monde. Un sujet dont pourraient bien s'emparer à plus grande échelle, dans un avenir proche, ONG watchdogs, lanceurs d'alertes et régulateurs.