RSE : Pernod-Ricard distille ses ambitions 2030

La rédaction | 04 Avril 2019 | 1097 mots

PERNOD-RICARD-VIGNE

Après un plan RSE décennal initié dès 2010 et qui s'achève sur un bilan positif sur les objectifs fixés, le groupe de spiritueux coté dévoile ses ambitions en matière de durabilité pour la période 2020-2030. Pour progresser sur les dilemmes inhérents à son secteur, il revoit en profondeur son analyse des risques et mise en particulier sur les Objectifs de Développement durable (ODD), la prise en compte du risque climat, et l'intégration de critères ESG pour ses investisseurs (en accès libre)

Le groupe coté de vins et spiritueux, n°2 mondial, achèvera l'an prochain sa feuille de route RSE initiée dès 2010. Une feuille de route déjà atteinte à 90% selon les chiffres publiés dans le dernier document de référence (voir dans notre référentiel data). Un plan pas suffisament ambitieux ? "Au contraire, nous avons atteint la plupart de nos objectifs avec deux ans d'avance car nous avons eu d'emblée un "mandat" du top management", explique Noémie Bauer, Head of Sustainable Business (photo ci-dessous).

C'est un nouveau plan décennal pour la période 2020-2030 en huit axes que dévoile Pernod-Ricard, pour continuer à se développer tout en anticipant les risques de la décennie à venir. Et mise d'emblée sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) afin d'expliciter sa démarche en tant qu'opérateur dans un secteur d'activité qui n'est pas exempt de "dilemmes RSE", à l'instar de la chimie-pharmacie ou encore du tourisme ou du transport aérien.

Les ODD pour faire comprendre

Le groupe veut aller au-delà d'un reporting purement "technique", aujourd'hui restitué sur la base d'une quinzaine de key performance indicators (KPI) et de ratios. "Nous nous basons aujourd'hui sur le GRI, qui est un référentiel complexe et long, pour notre reporting environnement, mais on se rend compte qu'il n'est pas très compréhensible en externe, par exemple pour les consommateurs (...). Ce qu'on aime bien dans les ODD, c'est la lisibilité".

Des ODD qui permettent d'impliquer les consommateurs en leur faisant comprendre qu'ils ont eux-mêmes un rôle à jouer dans la modération de leurs consommations d'alcool, mais qui doivent tout de même reposer sur une base quantitative solide : "Il y a des interactions entre GRI et ODD, nous faisons partie de la plateforme reporting du Global Compact : le but est de pouvoir faire du reporting ODD tout en étant cohérents avec d'autres référentiels utilisés pour mesurer les progrès sur une base annuelle". 

Terroirs et risque climat

 Le changement climatique consititue un autre risque identifié par le groupe. Une menace bien réelle pour le business-model de Pernod-Ricard qui dépend de zones géographiques bien précises pour se fournir en vins, à commencer par le vignoble AOC de Cognac. "On travaille énormément en R&D avec nos viticulteurs sur des cépages résilients car on sait que les cépages d'aujourd'hui ne résisteront pas au réchauffement climatique. C'est la même chose dans le champagne. Nous avons ce type d'action avec les terroirs que nous détenons, mais aussi avec ceux que nous sourçons, comme le café au Mexique". Un programme mené avec l'Inra et l'Institut Français de la vigne et du vin, qui inclut aussi le développement de bonnes pratiques de culture comme la pulvérisation 'confinée' de produits phytosanitaires sur la vigne à l'aide d'appareils spéciaux, et dont les avancées seront remises à disposition de l'ensemble de la filière cognac.  

La contribution du groupe au changement climatique n'est pas oubliée, en raison de la consommation d'énergie nécessaire à la distillation et qui dépend aujourd'hui à 66% du gaz. D'où une attention portée aux émissions de "Scope 3" (une méthode de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre issue du GHG Protocol et qui inclut celles de toute la chaîne de valeur, NDLR). Un scope d'émissions de GES particulièrement difficile à mesurer pour les entreprises. "Nous l'évaluons en lien avec les Science Based Targets (SBT). Mais il s'agit encore d'estimations, nous nous sommes appuyés sur l'expertise d'un cabinet extérieur : ERM", précise Noémie Bauer qui indique que le groupe va bientôt soumettre sa contribution aux SBT (lire notre article : SBT - l'impossible mesure du Scope 3 ?). Avec l'ambition d'une réduction de 50% de l'intensité carbone. "Pour le chauffage, nous sommes en phase d'essais pour récupérer de l'énergie, par exemple en étudiant la production de biogaz avec les sous-produits de distillation issus de matières premières agricoles". Une démarche qui passe aussi par des actions de réduction des emballages - surtout en verre et en carton - qui représentent actuellement 30% du scope 3, en utilisant aussi l'éco-conception.

Matérialité refondue

"Pour cette nouvelle feuille de route 2030, nous avons réévalué tous les risques et les attentes de nos parties prenantes. Notre matrice de matérialité sous sa forme actuelle va disparaître. Nous allons adopter le format de la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière, NDLR) avec une présentation "risque par risque" et leurs plans d'action associés car nous nous rendions compte que ce format en matrice pouvait donner lieu à beaucoup d'interprétations", indique Noémie Bauer.   

Critères ESG

L'ensemble de la démarche est aussi transcrite à destination des investisseurs du groupe, coté en bourse. Un point important pour les roadshow (les présentations) aux investisseurs : "Mon job, c'est d'intégrer la RSE dans les fonctions et faire en sorte que ce ne soit pas un service à part. Mon équipe inclut une analyste sustainable business, qui scrute les aspects ESG et les ratings des agences de notation. L'an dernier, nous avons questionné nos investisseurs pour savoir ce à quoi ils sont attentifs en matière d'ESG, nous avons eu 50% de réponses, c'est devenu très important", insiste Noémie Bauer. Ne manque qu'une raison d'être au sens de la loi Pacte : "nous avons eu des discussions en interne, mais pour l'instant nous nous concentrons sur l'intégration de la sustainability (durabilite, NDLR) à tous les étages". 

Marketing et exemplarité

Le groupe revendique une démarche d'exemplarité tant dans ses procédures internes qu'avec l'ensemble de ses parties prenantes. Un comité de "marketing responsable" revoit l'ensemble des publicités et campagnes marketing du groupe pour informer et promouvoir une consommation responsable d'alcool, en insistant sur la qualité plutôt que la quantité. Des campagnes aussi destinées aux affiliés : distributeurs et points de vente, sous forme de programme de formations.

Au final le groupe ambitionne un déploiement de programmes de formations à impact mesurables dans 100% de ses filiales et de sensibiliser directement "1 million de jeunes adultes à la consommation responsable" - un programme européen avec les étudiants d'Erasmus est déjà en place. Et à l'extrémité amont de la chaîne, le groupe a annoncé que les vignobles de cognac qu'il détient en propre seront désormais zéro glyphosate.

Rendez-vous est pris pour le prochain point de progrès. 

(Illustration : Pernod-Ricard - Martell, DR)

 

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