Bettina Laville : “Les ODD sont une boussole pour le développement durable” (Comité 21)

Après deux exercices financiers difficiles en 2017 et 2018, le Comité 21 est aujourd'hui sorti d'affaire. C'est ce qui ressort de l'assemblée générale qui a eu lieu à Paris le 20 juin assure Bettina Laville, la présidente de l'association. Le Comité 21 qui veut continuer à promouvoir en France les Objectifs de Développement Durable (ODD) en adaptant régionalement ses offres. Entretien (en accès libre)
RSEDATANEWS : quel bilan tirez-vous de l'année écoulée au Comité 21 ?
Bettina Laville : nous venons de voter de nouveaux statuts et de mettre sur pied une nouvelle gouvernance. Elle prévoit une régionalisation du Comité 21, la création d'un poste de vice-président, et un cinquième collège "Citoyens" qui s'ajoute aux quatre existants depuis notre création (voir encadré ci-dessous, NDLR). Aujourd'hui, les citoyens ont pris une part très importante dans les questions environnementales et attendent une accélération des actions prises par les politiques. Les entreprises sont à l'écoute des tendances et aspirations actuelles des citoyens. Il y a une différence entre les associations qui sont en avance, le grand public qui est face à un discours anxiogène sur le climat, et les collectivités locales qui écoutent aussi les citoyens dans leur ville. Le Comité 21 a une ambition globale. C'est pourquoi il est important que les citoyens soient représentés aux côtés des autres collèges. De plus, les nouveaux schémas territoriaux avec les plans climats nécessitent de donner de l'information aux citoyens et de les relier aux mouvements internationaux. Et face à cette territorialisation, nous sommes devenus un groupe associatif, avec des établissements : Nantes, bientôt en Nouvelle Aquitaine, et nous avons deux autres projets en région.
RDN : pourquoi cette évolution vous a-t-elle parue nécessaire ?
B. L : d'une part parce que les évolutions en matière climatique s'inscrivent dans les territoires, mais il y a des régions ou des villes qui sont en avance. Pour celles-là, il faut proposer d'autres actions pour aller plus loin. Certains territoires sont moins en avance et ont besoin de pédagogie. La France a plusieurs climats : nous n'avons pas les mêmes réponses à Montpellier ou en Bretagne, c'est la réalité du terrain.
Retard sur les ODD
RDN : la période 2018-2019 a été très riche en actualités. Quel regard portez-vous sur les dernières évolutions ?
B. L : c'est le climat qui a beaucoup fait l'actualité ces deniers mois. Au Comité 21, nous avons un très gros programme sur l'adaptation au changement climatique, initié il y a deux ans. Mais même si on arrive à endiguer le réchauffement à +2° C, ce sera un vrai changement de société. Et les efforts qu'on pourra faire en matière d'émissions de CO2 n'auront d'impact qu'au milieu du siècle : nous allons avoir 30 années qui sont le résultat du passé, étant donné l'inertie des gaz à effets de serre. Notre comité de prospective est en train d'élaborer un rapport, que nous appelons la "grande transformation". Il s'agit d'un document très concret pour les entreprises qui se transforment mais qui prendra aussi en compte les grandes mesures nationales et les changements de comportement. Nous continuons aussi notre tour de France sur les ODD dans les régions car nous avons beaucoup participé à la stratégie nationale des ODD. Enfin, nous sommes très impliqués dans le dialogue partie prenante, et dans la définition de l'ODD 17, pour lequel il n'existe pas de méthode aujourd'hui. La loi Pacte va dans le bon sens, dans la manière dont elle prend en compte l'intérêt général dans l'entreprise, mais l'ODD 17 s'applique à tous les échelons, sur les territoires. L'appliquer, c'est aussi le rôle de l'État qui doit suivre le cadre de l'ONU. Ce n'est pas à une à méthode d'addition, mais c'est à une méthode de participation que nous allons travailler.
RDN : est ce que la prise en compte des ODD vous paraît suffisante au niveau des différents échelons de l'État ?
B. L : nous avons commencé un peu tard par rapport aux autres pays. La stratégie nationale sur les ODD doit être adoptée avant l'été. Il y a un sommet en septembre à l'ONU et nous espérons que le Président de la République ira y présenter la stratégie française en la matière. Mais il n'y a pas assez d'actions et en particulier de communication et de ce fait les gens n'ont pas encore bien compris à quel point ces ODD sont une boussole pour le développement durable, à une époque où l'on parle plus d'apocalypse que d'objectifs tenus.
RDN : Quel est le bilan des adhésions ? La solidité financière du Comité 21 est-elle assurée ?
B. L : Le Comité 21 a traversé sur le plan financier une période difficile, qui est enfin résolue. Nous l'avons résorbé avec deux exercices positifs en 2017 et 2018. L'exercice 2019 est sur une très bonne trajectoire. Nous avons fait le point sur nos adhérents, car beaucoup restaient inactifs et cette année un flux d'adhésions a repris aussi bien de la part d'entreprises que de collectivités locales. Nous recevons aussi beaucoup de marques d'intérêt de beaucoup d'universités : elles sont membres, participent à l'élaboration de notre programme d'adaptation et à certains guides sur les ODD et il y a de plus en plus de passerelles entre le monde académique et les entreprises. La grande évolution, c'est que les entreprises étaient auparavant demandeuses de 'science dure' et demandent aujourd'hui des sciences humaines sur le comportement. En externe pour comprendre l'état du monde, mais aussi en interne car leurs salariés sont aussi des citoyens qui se posent beaucoup de questions sur l'évolution de l'activité qui parfois, par exemple, peut être perçue par eux comme polluante et en contradiction avec leur souhait comme citoyen de contribuer à un monde soucieux de l'environnement. Ce qui frappe, c'est que les sciences humaines qui n'étaient utilisées que dans le cadre des relations humaines sont maintenant utilisées par l'ensemble de l'entreprise.
Assemblée Générale du 20/06/2019 Présidente du Conseil d’administration : Bettina Laville Collège Entreprises et fédérations professionnelles : Banque des territoires (CDC), Epiceum ; EDF Pays de la Loire ; Veolia Collège Collectivités territoriales, services de l’Etat et organismes rattachés : Association des Maires de France ; Assemblée des Départements de France ; Conseil régional des Pays de la Loire ; Ville d’Enghien-les- Bains Collège Associations et fondations : CARE France ; Equalis ; Green Cross France et territoires ; Association Marie Moreau Collège Etablissements d’enseignement, de formation et de recherche : Conférence des Grandes Ecoles ; Conférence des Présidents d’Université ; Université PSL ; UnilaSalle EME Collège Citoyens (créé en 2019) : Marine Denis ; Léa Durieux ; Audrey de Garidel ; Sandrine Maïsano Personnalités : Charles-Henri Dubail, Christian Dubost, Serge Lepeltier, Dominique Martin-Ferrari, Hélène Valade |
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