L'évaluation d'impact social cherche sa voie dans les structures de l'ESS

Mesure d'efficacité ou d'innovation sociale ? Les guides et méthodes d’évaluation de l’impact social se multiplient. Le point avec l'AVISE sur les méthodes préférées par les structures de l'ESS, obstacles rencontrés, et bonnes pratiques (en accès libre).
Les structures de l'ESS s'intéressent de plus en plus à la mesure d'impact social. En quête de reconnaissance pour leur action ou soucieuses d'améliorer leur communication, répondre à des marchés ou à de nouvelles problématiques comme les contrats à impact social, désireuses de changer d'échelle et d'attirer des investisseurs.... les motivations sont nombreuses.
Les cabinets de conseil développent leurs offres, des acteurs non marchands publient des guides, les chercheurs améliorent référentiels et méthodologies... "pour autant, si la notion d’évaluation d’impact social semble s’être installée dans le vocabulaire des structures, les pratiques qu’elle recouvre sur le terrain demeurent plurielles et parfois méconnues", soulignent les auteurs.
Quelle méthode d’évaluation de l’impact social ?
Si toutes les structures ont le souci d’évaluer leur impact social, elles le font d’une manière plus ou moins formalisée. Beaucoup de structures se contentent d’un « bricolage » en cours de projet pour satisfaire leur financeur, ou d’une évaluation basée uniquement sur le ressenti.
Qu’est ce qui pousse des structures à passer à une évaluation formalisée ? L’étude montre que les leviers de motivation sont souvent externes : les structures cherchent à « rendre des comptes » aux financeurs ou à candidater à des appels à projets. Ces motivations les amènent à mener une évaluation d’efficacité. Les structures cherchent à prouver leur impact social, choisissant un nombre restreint d’indicateurs de réussite quantifiables, et occultant les points d’amélioration et les points problématiques. Les résultats de l’évaluation sont utilisés uniquement à des fins de communication externe, pour démontrer la plus-value d’un projet auprès des partenaires financiers. Les structures choisissent ici des méthodes d’analyse coût-bénéfices (par exemple, mesurer les coûts publics évités), ou se rapporter à un référentiel déjà existant.
Avise promeut au contraire l’évaluation d’amélioration, qui vise à améliorer l’impact social. Elle résulte généralement de leviers internes de motivation : la volonté de consolider et d’améliorer le pilotage de l’action, de mobiliser les salariés et fédérer les équipes, de changer d’échelle (et donc de convaincre de nouveaux partenaires), ou de se distinguer des concurrents en innovant. Dans cette optique, les structures choisissent des méthodes d’évaluation qui utilisent des indicateurs multiples et des enquêtes à la fois quantitatives et qualitatives. L’évaluation cible particulièrement les points d’amélioration ou problématiques (et non seulement de réussite). Cependant, les structures qui choisissent ce type d’évaluation sont encore minoritaires : sur les vingt structures enquêtées, seules cinq ont fait cette démarche. Ce sont généralement des structures plus anciennes, avec plus de ressources. Cependant, ce type d’évaluation demeure souvent à usage interne, et intéresse moins les financeurs.
Exemple de bonne pratique
Dans une de ses études de cas, l’Avise met en avant les bonnes pratiques de l’association Passeport Avenir, qui accompagne des jeunes issus de milieux populaires dans leurs réussite scolaire et professionnelle. L’association a mené une étude d’impact social pendant 6 mois en 2012, utilisant la méthode s’inspirant du Social return on investment (SROI). Cette méthode permet une approche globale, laisse libre le choix des indicateurs (quanti et quali) et s’appuie sur l’implication des parties prenantes (acteurs de terrains, bénéficiaires, partenaires…). Ainsi, l’association a pu calculer un retour de 2€ pour 1€ investi par ses partenaires financiers. Mais elle a surtout identifié des potentiels d’amélioration de ses activités. Par exemple, la nécessité de renforcer le programme de tutorats auprès de nouveaux établissements, ou la possibilité d’impliquer les jeunes dans le projet (en créant la « communauté Different Leaders »). L’étude lui a aussi permis de se doter d’un outil de management facilitant les discussions stratégiques et la prise de décisions. La Fondation Rexel a élaboré un guide d’évaluation inspirée du SROI (« Guide de la mesure d’impact social », Fondation Rexel et (Im)prove).
Les recommandations de l’Avise
L'Avise identifie quatre grands défis pour développer l’évaluation de l’impact social.
1. Faire de l’évaluation de l’impact social un levier d’innovation sociale. L’évaluation de l’impact social ne doit pas se faire seulement selon une logique coûts-opportunités, mais devrait se faire dans une logique d’amélioration. Pour cela, les structures ont besoin de choisir et de définir leurs propres indicateurs. L’Avise promeut la diversité des approches d’évaluation et encourage l’utilisation de méthodes qualitatives (en complément des quantitatives). Cela permettrait de lever un frein majeur de l’évaluation d’impact social : la méfiance des acteurs de l’ESS, qui ont tendance à associer l’évaluation de l’impact social à la recherche de performance chiffrée et à un outil de contrôle et de mise en concurrence.
2. Encourager les financeurs à s’intéresser également aux domaines où des mesures tangibles sont difficiles à réaliser
3. S’assurer que les structures d’utilité sociale ont les ressources et les capacités suffisantes pour évaluer l’impact social. L’étude a identifié des obstacles majeurs: le manque de ressources et de compétences particulières chez les acteurs de l’ESS (pour identifier les impacts, collecter et analyser les données interpréter les résultats…). De plus, les dirigeants ont tendance à sous-estimer la surcharge de travail impliquée par une évaluation d’impact social. L’Avise encourage les réseaux ESS et leurs membres à partager leurs référentiels et indicateurs, à élaborer une boite à outil accessible à tous, et à former les acteurs à la collecte et à l’analyse des données. Les réseaux ESS et le Dispositif local d’accompagnement (DLA) pourraient avoir un rôle d’accompagnement dans les démarches d’évaluation de l’impact social.
4. Convaincre que l’évaluation de l’impact social favorise le décloisonnement des politiques publiques et plus largement des parties prenantes intéressées à l’action. Les parties prenantes sont amenées à s’intéresser à plusieurs dimensions d’une activité lorsqu’elles cherchent à mesurer son impact social (qui est complexe).
Association créée en 2002, l’Avise veut promouvoir le nombre et la performance des structures de l’ESS et publie régulièrement des études et guides, dispense des formations et offre des services d’accompagnement. Pilotée par des représentants de la Caisse des Dépôts, la Fondation Macif, le Crédit Coopératif, France Active, CGSCOP et le Mouvement Associatif, elle compte aussi de grands groupes à son conseil d'administration comme la BPCE, le groupe Chorum, la MAIF ou encore le COORACE. |
L’étude « Expérience de l’évaluation d’impact social. Pratiques et représentations dans les structures d’utilité sociale » (mars 2017) a été réalisée par l’Agence Phare, une agence d’étude et de conseil créée en 2015, spécialisée dans les évaluations de politiques publiques et les évaluations d’impact social. Elle a interrogé qualitativement vingt structures d’utilité sociales aux profils variés, afin d'analyser leur motivations, obstacles et méthodes pour l'évaluation de leur impact social. |
LIENS DE L’ARTICLE
site web: Voir le site de l'AVISE: http://www.avise.org/ressources/experience-de-levaluation-dimpact-social-presentation-de-letude