Cobalt : Renault s’engage (timidement) pour un approvisionnement responsable

Antonin Amado | 25 Février 2018 | 607 mots

COBALT amnesty

En novembre dernier, Amnesty International épinglait sans ménagement Renault. Le constructeur automobile était mis en cause pour son manque de transparence dans son approvisionnement en cobalt, un minerai crucial dans la fabrication de ses batteries pour véhicules électriques. L’entreprise a discrètement rendu publics ses engagements sur le sujet la semaine dernière. Un « premier pas » salué avec prudence par l’ONG (en accès libre).

Le 15 novembre dernier, la publication avait sérieusement fait grincer des dents chez Renault. Le constructeur automobile était vivement critiqué dans un rapport d’Amnesty International consacré à l’approvisionnement en cobalt d’une trentaine de multinationales. L’ONG reprochait au groupe français un défaut de vigilance dans son approvisionnement dans ce métal, vital pour la construction de batteries pour véhicules électriques.  

50 % de la production mondiale est aujourd’hui assurée par la République Démocratique du Congo (RDC). Amnesty International, qui a enquêté sur place, y a constaté de nombreuses violations de droits humains, notamment des cas d’enfants travaillant dans des mines, ainsi que des cas d’esclavage moderne. Sans mentionner les conditions de vie déplorables qui règnent dans ces mines artisanales.

Sans pouvoir prouver que le minerai utilisé par Renault était extrait ainsi, l’association affirmait que le groupe ne respectait pas les « normes internationales minimales en matière de publication et de diligence internationale ». Elle pointait aussi les mauvaises pratiques du chinois Huyaou Cobalt, l’un des fournisseurs de l’entreprise française.

« Catimini »

C’est à la suite de la sortie de ce rapport qu’un véritable dialogue s’est engagée, à huis clos, entre l’ONG et la marque au losange. Il s’est matérialisé par la publication, la semaine dernière, d’engagements sur le sujet. Mardi 20 février, Renault a donc publié sur son site web, en catimini, la liste de ses quinze fournisseurs. L’entreprise y affirme également qu’elle réalisera 5 audits « auprès de fournisseurs de la supply-chain cobalt essentiellement au niveau raffineurs, voire exploitants de mines. L’objectif principal de ces audits est de confirmer que le cobalt utilisé pour les batteries est extrait dans le respect des droits humains ». 

Renault affirme que ces audits seront réalisé sur la base des lignes directrice de l’OCDE. Et qu’ils seront « au besoin suivis de plan d’actions et pourront conduire à reconsidérer la relation commerciale si aucun progrès significatif n’est constaté ».

Peu loquace sur le sujet, Renault, interrogé par RSEDATANEWS, a fini par confirmer ces engagements. Mais la marque est restée très floue sur de nombreux détails. La liste de ses fournisseurs de la chaîne cobalt compte 15 entreprises. Mais seulement 5 audits seront menés. Le groupe ne communique pas sur le nom de ces 5 entreprises, ni la raison pour laquelle elle choisit de scruter ces 5 fournisseurs en particulier. 

Ces diagnostics seront réalisés par des cabinets d’audits externes, qui n’ont pas encore été choisis. Ces rapports d’audits devraient être publiés fin 2018 ou début 2019, sans qu’une date précise n’ait à ce jour été fixée par la direction monde des risques fournisseurs de Renault, que nous avons questionné.

« Premier pas » insuffisant 

Pour Yves Prigent, responsable de la responsabilité des États et des entreprises chez Amnesty International, « C’est un premier pas. En amont de notre précédent rapport, Renault ne nous avait pas livré les informations publiées le 20 février. Il y a une avancée ». Pour autant, cet effort de transparence est jugé insuffisant : « on attend beaucoup plus. Il nous faut davantage de précisions sur les mesures mise en place pour s’assurer que tous les acteurs de cette chaîne là prennent eux-même des mesures » pour lutter contre la violation des droits humains.

Yves Prigent attend avec impatience le résultat des audits, en particulier celui sur Huyaou Cobalt. 

Amnesty a déjà donné rendez-vous à Renault dans 6 mois pour un point d’étape.

(Photo : Amnesty International, DR)

LIENS DE L’ARTICLE

site web: OCDE - guidelines "achats responsables": http://mneguidelines.oecd.org/

site web: Rapport : les géants industriels ne font pas le nécessaire face aux allégations de travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement en cobalt: https:///www.amnesty.org/fr/latest/news/2017/11/industry-giants-fail-to-tackle-child-labour-allegations-in-cobalt-battery-supply-chains/

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