COP 27 : de la frustration malgré des avancées clés sur le front de l’atténuation et de la transition

Lucie Pedrola | 20 Novembre 2022 | 904 mots

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Si la frustration est forte face à l’opportunité manquée de renforcer les objectifs d’atténuation et de transition énergétique, c’est dans le secteur de l’énergie que la "mise en oeuvre", centrale dans cette COP27, est sans doute la plus marquée. 

"C’est une opportunité manquée". Ce dimanche matin, vers 5 heures, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher ne cache pas sa déception à l’issue d’heures de négociations tendues. Au final, l’objectif de diminution de la consommation de pétrole et de gaz n'apparaît donc pas dans la décision cadre de COP, malgré une proposition de l’Inde appuyée jusqu’à la dernière minute par la "Coalition pour une haute ambition", un groupe d’une soixantaine de pays censés soutenir les objectifs les plus poussés. Sur ce sujet, le texte est en définitive un "copier-coller" du Pacte de Glasgow, réaffirmant l’ambition de diminuer la production de charbon quand les centrales ne sont pas accompagnées de technologies d’atténuation des émissions ("unabated") et de sortir des subventions à toutes les énergies fossiles quand elles sont "inefficaces". Un terme sans définition mondiale, dénoncé comme un cheval de Troie par les associations : l’Allemagne considère ainsi que soutenir la consommation de gaz de son industrie est efficace car elle permet d’éviter des délocalisations dans des pays plus carbonés. 

Entre manque de clarté et recul

Autre point problématique de la décision finale : la mention des énergies "basses émissions" en tant qu’énergies du futur au côté des renouvelables, "un faille significative, selon les mots d’Ed King, Responsable au Global Strategic Communication Council, ce terme imprécis pouvant être utilisé pour justifier le développement de nouvelles infrastructures fossiles, contre les recommandations claires de l’Agence Internationale de l’Energie et du GIEC".  La négociatrice en chef de l’Accord de Paris, Laurence Tubiana tape encore plus fort : "La présidence égyptienne a produit un texte qui protège clairement les États pétrogaziers et l’industrie des énergies fossiles. Cette tendance ne peut pas se poursuivre aux Émirats arabes, l’année prochaine", s’inquiète-t-elle, anticipant la tenue de la COP 28 sur le territoire d’un des 10 plus gros producteurs mondiaux de pétrole. Une perspective modérée par le soutien de quelques pays producteurs d’oil & gas à la mention de la baisse de toutes les énergies fossiles, à l’instar de la Norvège, du Canada, de la Colombie et même des Etats-Unis, "qui ont bougé sur ce sujet", souligne Agnès Pannier-Runacher. 

Dernière déception majeure sur le sujet de l’atténuation : le cadre du Programme de travail sur l’atténuation, décidé à la COP 26 et qui vise à "renforcer de toute urgence l'ambition et la mise en œuvre des mesures d'atténuation au cours de cette décennie critique" n’a pas satisfait non plus les experts d’E3G. "La version finale n'est pas aussi ambitieuse qu'elle aurait dû l’être, note Tom Evans, spécialiste des questions de Diplomatie climatique pour le think tank, notamment, la durée du programme de travail a été ramenée de 2030 à 2026", un point d’achoppement entre les différentes parties. D'un autre côté, il prendra des décisions chaque année, lors des COP et non uniquement 3 fois au cours des années 2020. Le bon fonctionnement de ce processus sera essentiel pour réduire de moitié les émissions au cours de la présente décennie afin de rester sous la barre des 1,5 °C. Mais la COP27 a clairement montré qu'il n'existe pas de consensus politique fort et clair pour réduire les émissions au rythme nécessaire, cela reste le défi majeur auquel nous sommes confrontés".

Les énergies renouvelables propulsées

 "Les énergies renouvelables font partie des grands gagnants de cette COP 27", se réjouit pour sa part le think tank Ember. En effet, les déceptions autour des énergies fossiles ne doivent pas cacher les nombreuses avancées de Charm-el-Cheikh, qui, du côté de l'énergie, a bel et bien montré les premiers signes de "mise en oeuvre", comme promis par le slogan officiel de la COP. En témoignent les Partenariats pour une transition énergétique juste (JET-P) et leurs variations, via le lancement d’autres collaborations Nord-Sud, comme celui signé entre l’Egypte et l’Union européenne pour le développement d’hydrogène vert, ou encore la création par l’alliance Beyond Oil and Gas du fonds d’accompagnement à la sortie du pétrole et du gaz pour les Pays en Développement. "Un an après la signature de nombre d’alliances et projets à Glasgow, on observe le travail effectué, avec un soutien du Nord vers le Sud qui est plus important, même s’il n’est pas suffisant", retient le directeur de l’IDDRI, Sébastien Treyer. 

Reste maintenant à accélérer la mise en oeuvre, notamment autour de la lutte contre les émissions de méthane, ce gaz dont l’impact est 80 fois supérieur à celui du CO2 sur une période de 20 ans. Car si la coalition autour du Global Methane Pledge s’est encore renforcée ces derniers jours, à 150 membres, les effets n’en sont aucunement visibles, comme l’a souligné le groupe de chercheurs Climate Action Tracker. Autant de sujets à approfondir d'ici la prochaine COP pour des déploiements à plus grande échelle et toujours plus adaptés aux besoins locaux de l'ensemble de ces programmes. Car qui dit mise en œuvre, dit solutions sur mesure.  

(Illustration : UNFCCC, DR)

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