COP 27 - Pertes et préjudices : l'impossible compromis ?

Si les pays en développement ont marqué un point en faisant entrer la question des pertes et dommages (ou "loss and damage") dans l'agenda de la COP 27, il n'est pas évident que les négociations sur le sujet débouchent sur un compromis, tant les visions du Nord et du Sud divergent.
Après l'Écosse, la Wallonie et le Danemark, la Belgique vient aujourd'hui d'annoncer à son tour consacrer 2,5 M€ aux pertes et préjudices dans le cadre d’un programme de coopération avec le Mozambique de 25 M€ pour atténuer et s'adapter face aux changements climatiques. Sans crier encore victoire, les pays en développement, qui ont fait de cette question des "réparations" un des axes centraux de leur plaidoyer à la COP 27, ont, en réussissant à la faire inscrire à l'ordre du jour, gagné une première étape : enclencher une dynamique. Mais les termes utilisés dans l’agenda officiel restent flous. Une volonté de ne pas gripper les négociations avant leur commencement, tant les points de vue entre le Nord et le Sud semblent divergents ?
Des réparations, mais pas la charité
"Nous ne voulons pas la charité, mais des réparations", a lancé Mohamed Adow, fondateur et directeur du think tank Powershift Africa lors d’une conférence de presse organisée ce lundi matin, appelant à la mise en place d’un fonds dédié aux pertes et préjudices. "La France a une position ouverte sur le sujet, mais il faut que l'on s'entende sur ce qui est le plus efficace", explique-t-on à l'Elysée, émettant des réserves sur la mise en place de financements spécifiques… Il a d'ailleurs fallu un compromis pour que le sujet soit mis à l’ordre du jour : il ne sera pas question, dans les discussions, de "responsabilité ou d’indemnisation" - comme l’ont regretté les ONG représentées par Climate Action Network - mais de "coopération et de facilitation", a déclaré Sameh Choukri, président de la COP 27 et ministre égyptien des Affaires étrangères, cité par Le Monde.
Si la formule peut sembler souple pour laisser de l'espace au débat, l'intention est en revanche claire : "Cette inclusion à l’agenda reflète un sens de la solidarité et de l’empathie pour la souffrance des victimes des catastrophes causées par le climat", a estimé le responsable. "En réalité, selon Tasneem Essop, Directrice executive du CAN, ceux qui sont historiquement responsables refusent de payer la dette climatique. Les pays riches rétropédalent sur leur obligation".
Des solutions nouvelles plutôt qu’une facilité financière dédiée
"Nous avons beaucoup travaillé sur des solutions plutôt que sur de nouvelles facilités financières car l'argent, il y en a, en réalité, dans d'autres fonds", indique l'Elysée : pour sa défense, Paris met en avant la possibilité de redéployer des sommes existantes comme celles du Fonds Vert pour le Climat, dont seules un tiers ont été décaissées. L'Élysée cite également la mise en place de systèmes d’alertes précoces et surtout le système assurantiel proposé par le G7. Dans son allocution lors du World Leaders Summit ce 7 novembre, Emmanuel Macron a toutefois fait un pas en avant, parlant de "justice climatique" et de "réparations". Il s'est engagé à être au rendez-vous des pertes et préjudices, sans pour autant évoquer la mise en œuvre d’une nouvelle facilité. Le Président français a plaidé pour la réallocation des droits de tirages spéciaux des pays les plus riches, via le FMI, vers la transition des pays en développement. Au printemps prochain, le FMI, la Banque mondiale et l'OCDE sont invités par Emmanuel Macron à "activer des mécanismes, des capacités de prêts et de liquidités nouvelles, y compris pour des pays intermédiaires", qui prennent en compte la vulnérabilité climatique et visent à changer les règles des banques. "Les injustices sont insoutenables, on ne peut s'en sortir que par une recomposition profonde des mécanismes de solidarité, a-t-il souligné. Ce qu'on demande sur la dette, les remboursements, les garanties, quand vous êtes victimes du changement climatique, on doit le suspendre et le prendre en compte." Pas sûr que ces propos suffisent à rassurer les pays les plus pauvres ni permettent de poser les bases d'un compromis…
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