COP 27 : "La crise énergétique a pris le pas sur la crise climatique" (Climate Action Tracker)

Sophie Chauliac | 10 Novembre 2022 | 600 mots

Climate Action Tracker 2022

Alors que la COP27 bat son plein à Charm El-Cheikh, le Climate Action Tracker a publié son estimation annuelle de l’augmentation de la température de la planète en prenant en compte les derniers engagements des États. Avec cette année une alerte sur "la ruée vers le gaz" des pays européens, qui menace l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris. 

Si la crise climatique s'accentue, l'estimation de l'élévation de la température attendue à la fin du siècle, soit + 2,4°C, fait, elle, du sur-place. Tel est le constat de Climate Action Tracker, porté par le NewClimate Institute, dans son rapport annuel établi à partir des NDC - contributions déterminées au niveau national – des pays signataires de l'Accord de Paris. Ce chiffre n'a d'ailleurs rien d'étonnant car en dépit des engagements pris par les parties à la signature du Pacte de Glasgow, trop peu de pays les ont revues, résume Claire Stockwell, Senior Climate Policy Analyst de Climate Analytics, l’une des co-auteurs du rapport. Mais il suppose que tous les pays atteignent leur NDC à 2030, et rien n’est moins sûr, poursuit-elle: "si nous nous basons sur les politiques actuellement mises en œuvre, nous nous dirigeons plutôt vers un réchauffement de +2.7°C." 

À peine 8% d’objectifs Net Zéro suffisants 

Ces estimations sont similaires à celles publiés par l’ONU il y a quelques jours en amont de la COP.  Pour les deux institutions, le scénario à ce jour le plus optimiste est celui d’un réchauffement de +1.8°C. Il impliquerait, en plus de l’atteinte des NDC à 2030, la tenue des engagements Net Zero par tous les pays qui en ont fait la promesse. Or, Climate Action Tracker observe que ces promesses de neutralité carbone sont bien souvent peu crédibles. 

Après avoir passé au crible les engagements Net Zéro de la quarantaine de pays analysés dans le rapport, à peine 8% d’entre eux ont un objectif Net Zéro que le groupe de recherche qualifie d’"acceptable" selon sa méthodologie interne d’évaluation, qui prend en compte 10 bonnes pratiques (couverture de tous les secteurs y compris maritime et aérien, caractère juridiquement contraignant de l’engagement, objectifs intermédiaires, etc.). Il s’agit du  Costa Rica, du Chili, de la Colombie, du Vietnam, du Royaume-Uni et de l’Union Européenne. Une Union Européenne dont le plan REPowerEU devrait d’ailleurs permettre de dépasser l’objectif de sa NDC de réduire les émissions de GES de 55% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990, note le rapport. 

Risque d’enfermement dans le gaz

L’Europe, bonne élève du climat ? Pas tant que cela et c’est bien ce qui préoccupe le Climate Action Tracker. Le groupe de recherche alerte dans son rapport sur la dangereuse "ruée vers le gaz" - notamment le gaz naturel liquéfié (GNL) - des 27 pour sécuriser leurs approvisionnements suite à l’arrêt des livraisons russes. "Arrêtez de développer le gaz !", a lancé Bill Hare, le CEO de Climate Analytics, lors de la réunion de présentation du rapport. Pour lui, la réponse de l’Union Européenne à la crise énergétique, loin d’être transitoire comme le clament les 27, peut remettre en cause l’atteinte de l’objectif de contenir le réchauffement climatique à 1.5 degré, prévu par l’Accord de Paris. Non seulement les 26 nouveaux terminaux de GNL en construction ne permettront pas d’apporter une réponse à court-terme à l'arrêt des livraisons de gaz russe et risquent d'enfermer l'UE dans le gaz, mais de plus leur capacité de stockage sera, une fois qu'ils seront installés, 5 fois supérieure au niveau des importations de gaz russe en 2021 ! Jouer la carte de la sobriété, renforcer l'efficacité énergétique et flécher les investissements vers les renouvelables aurait été, pour le groupe de recherche, une réponse davantage à la hauteur des enjeux climatiques… 

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