COP 27 : l’Inde publie sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2070

Sophie Chauliac | 17 Novembre 2022 | 959 mots

Empreinte%20carbone

Comme promis l’an dernier à Glasgow, l’Inde, quatrième plus gros émetteur de gaz à effet de serre au niveau mondial derrière la Chine, les Etats-Unis et l'Union européenne, a officiellement publié son plan pour atteindre la neutralité carbone en 2070. Une première base de travail solide et même plutôt encourageante, malgré sa dépendance actuelle aux énergies fossiles, notamment le charbon, estiment les experts. 

Comment concilier un fort développement économique porté par une explosion démographique et les importants besoins énergétiques qui y sont associés avec l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone ? C’est la délicate équation à laquelle l’Inde s’était engagée à apporter une réponse l’an dernier à Glasgow. La promesse est tenue : le pays vient officiellement d’annoncer à Charm El-Cheikh la soumission de sa Long-Term Low Emission Development Strategy (LT-LEDS), rejoignant ainsi la quelque cinquantaine de Parties s’étant dotées d’une stratégie de long-terme pour compléter leur NDC (contribution déterminée au niveau national) à 2030. 

Au programme, une centaine de pages et une stratégie de transition déclinée pour 6 grands secteurs : la production d’électricité, les transports, l’immobilier, l’industrie mais aussi la capture du CO2 et les forêts. "Il n’y a pas de nouvel engagement dans ce document mais c’est un excellent résumé de tout ce qui a déjà été annoncé et mis en œuvre en Inde au cours des dernières années"décrypte Balasubramanian Viswanathan, Policy advisor et spécialiste en énergie du think tank canadien IISD (International Institute for Sustainable Development). Pour lui, c’est d’ailleurs justement ce qui donne de la robustesse et de la crédibilité aux ambitions indiennes : "tout est atteignable, assure l’expert, parce que toutes ces mesures ont été analysées et validées, et sont pour la plupart déjà implémentées au niveau des différents ministères." 

Cap sur les renouvelables 

Parmi les points positifs à retenir, la confirmation du soutien au développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert, alors que la dernière actualisation de la NDC de l’Inde, soumise en août dernier, table sur 50% de capacité installée d’origine non-fossile d’ici 2030. Dans ses plans nationaux, le pays va même plus loin que son engagement à l’international, visant 68% de capacité installée d’origine non-fossile. D’après les derniers chiffres de Energy Tracker Asia, le taux annuel d’augmentation de la capacité installée d’énergies renouvelables en Inde a été de 19% sur la période 2016-2021. Les experts sont d’ailleurs plutôt confiants sur la capacité du pays à atteindre les objectifs de sa NDC, et même peut-être avant 2030, tant les conditions de marché rendent les renouvelables financièrement attractives. 

Autre aspect intéressant, l’évolution souhaitée par le gouvernement d’un lifestyle indien plus durable, basé sur la modération, dénommé Mission LiFE (Lifestyle for Environment). La première phase de mise en œuvre (2022-2023) a pour objectif d’inciter la population indienne à faire preuve de plus de sobriété dans ses consommations (électricité, eau, déchets, etc.). En revanche la stratégie ne précise pas les objectifs intermédiaires de réduction d’émissions à atteindre entre 2030 et 2070, ni la date de pic des émissions. 

Pas de calendrier de sortie des fossiles 

Sur les énergies fossiles et notamment le charbon - qui représente 44% du mix énergétique indien, d’après Energy Tracker Asia - pas de nouveauté. Le document évoque une utilisation "rationnelle" mais nécessaire pour "garantir la sécurité énergétique" du pays tout en reconnaissant la nécessité d’une transition "juste". L’objectif arraché lors de la signature du Pacte de Glasgow de "diminuer" (phase down) et non de "sortir" (phase out) du charbon n’est pas repris dans la stratégie indienne, qui ne s’engage pas sur une date de sortie. Mais dans les faits, certains signaux sont tout de même positifs. C’est en tout cas ce qu’avance Shruti Sharma, qui travaille également à l’IISD : "l’Inde a été très volontaire dans la réforme des subventions aux énergies fossiles avec des changements de politiques sur l’essence, le diesel et le kérosène. Les subventions aux énergies fossiles ont diminué de 72% sur la période 2014-2021."

Des interrogations sur les financements  

Accueillie plutôt favorablement par les spécialistes qui la considèrent globalement comme “un bon début”, cette stratégie à long-terme de l’Inde, présentée par son Ministre de l’Environnement Bhupendra Yadav - et non par le Premier Ministre Narendra Modi, qui n’a pas fait le déplacement à la COP cette année - soulève toutefois, encore et toujours, la question du financement. "Rien que pour atteindre les objectifs sur le solaire et l’éolien, il faudrait multiplier par 3 les financements actuels", pointe Balasubramanian Viswanathan. L’an dernier à la COP 26, l’Inde avait demandé l’aide de la finance internationale à hauteur de 1 000 milliards de dollars. Les besoins de financement de New Delhi dans sa route vers le Net Zero se chiffrent à plus de 12 000 milliards de dollars selon la Standard Chartered Bank et autour de 10 000 milliards d’après le Asia Society Policy Institute. 

Or selon la Climate Policy Initiative, les flux actuels de la finance verte en Inde ne couvrent qu’un quart de ses besoins. Mais Kate Logan, Directrice associée sur les questions climatiques de l’Asia Society Policy Institute est plutôt optimiste : "La soumission officielle de cette stratégie à long-terme montre que l’Inde est sérieuse sur ses objectifs. Cela pourrait dérisquer et attirer les flux financiers nécessaires pour minimer les compromis et assurer une transition juste." En attendant, des discussions sur un possible JETP (partenariat pour une transition énergétique juste) sont actuellement en cours. Et nul doute que dans les prochains mois les projecteurs seront braqués sur de possibles nouvelles annonces du gouvernement Indien, le pays prendra en effet la présidence du G20 le 1erdécembre prochain. 

POUR APPROFONDIR LE SUJET

CONTINUER LA LECTURE