Convention citoyenne pour le climat : un projet de loi à l'impact imprécis

Thibault Gygès | 10 Janvier 2021 | 1732 mots

Convention citoyenne pour le climat

Avec ou sans filtre ? Révélé ce vendredi 8 janvier 2020 en vue d'une présentation en conseil des ministres le 10 février, le projet de loi reprenant les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat s'appuie largement sur les objectifs européens en matière de climat et d'environnement et sur des stratégies nationales déjà en place. Ce projet en 62 articles, organisé en 5 thématiques, se positionne aussi sur la justice environnementale mais comporte nombre d'échéances lointaines qui en affaiblissent l'impact. Analyse (en accès libre).

"Loin d'une reprise sans filtre", "sabotage en règle" : les ONG environnementales dénoncent le contenu du projet de loi Convention Citoyenne sur le Climat, transmis vendredi dernier au Conseil national de la transition écologique. Intitulé "Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets", le texte devrait être présenté au Conseil des ministres ce 10 février 2021 et suivra ensuite une procédure parlementaire accélérée en lecture unique par chaque chambre.

Des échéances lointaines

Les cinq thèmes de travail de la Convention sont autant de chapitres du projet de loi, qui est "complémentaire du plan France Relance, de dispositions votées en loi de finances, de décisions prises lors des Conseils de défense écologique ou encore d’actions portées au niveau européen et international", indique le gouvernement pour qui "ce sont plus d’une centaine de mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat qui sont aujourd’hui déjà en mises en œuvre ou en passe de l’être partiellement ou totalement, sur les 146 retenues par l’exécutif fin juin 2020".

Mais les mesures proposées, bien que s'appuyant pour la plupart sur des textes existants, pèchent par des échéances d'application lointaines, voire imprécises. En particulier : 

Des mesures peu incrémentales

D'autres mesures applicables dès la promulgation de la loi s'appuient également sur des textes existants : ainsi, les articles 1, 4, 7, 9, 10 et 13 viennent élargir la loi "Anti-gaspi" n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie  circulaire  (AGEC) tout en concrétisant des mesures emblématiques portées par la convention comme l'étiquetage sur le contenu carbone des produits, l'interdiction de la publicité pour les énergies fossiles ou la distribution de prospectus non adressés dans les boîtes aux lettres (sauf affichage volontaire d'un consentement), la restriction de la distribution d'échantillons, et la durée de mise à disposition de pièces détachées pour la distribution d'appareils. Ce, tout en renvoyant à la parution ultérieure des décrets d'application fixant la liste des produits ou services concernés.    

S'adossent également à des textes existants l'orientation de la Stratégie nationale de recherche scientifique (Art. 14), qui "vise à répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux", qui renvoie à la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) ; le chapitre relatif au développement de l'agroécologie (Art. 59-61) s'appuie quand à lui à la fois sur la Politique Agricole Commune (PAC, la SNBC et la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée - avec un mécanisme d'alerte pour les importations agricoles Art. 60). L'affichage d'un label reconnu par les "entreprises se revendiquant du commerce équitable" (Art. 62) sera quand à lui obligatoire d'ici 2023, la liste des labels agréés étant renvoyée à la révision de l'article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME par la commission "3C" de Bercy.

A noter pour le reporting extrafinancier des entreprises l'article 32, qui prévoit l'inclusion dans les Déclarations de Performance extrafinanncière (rapports DPEF), à partir de janvier 2022, des informations détaillant "les postes d'émissions directes et indirectes liées aux activités de transport amont et aval, ainsi qu'un plan d'action visant à la réduire". 

Enfin, le très attendu article 63 relatif au "délit d'écocide" a pour point de départ le délit de pollution des eaux déjà prévu par l’article L. 216-6 du code de l’environnement, qui devient un "délit de pollution des eaux, du sol et de l'air". Le texte prévoit une gradation des sanctions selon que les faits découlent d'un non-respect des obligations de sécurité par le fautif, ou de leur violation intentionnelle, les sanctions d'écocide proprement dit étant réservées aux atteintes provoquant des atteintes durables ou irréversibles à l'environnement. 

Décentralisation et commande publique 

Si la plupart des mesures évoquées ci-dessus demanderont des efforts aux acteurs privés, plusieurs dispositions concernent cependant le secteur public.

Un train de mesures "citoyennes" 

Le projet de loi embarque par ailleurs quelques autres mesures citoyennes, largement commentées ces derniers mois par la société civile : pêle-mêle, l'interdiction des terrasses chauffées, la création d'un maillage d'aires naturelles protégées, les expérimentations de voies réservées sur les routes aux véhicules les moins polluants, l'interdictions des avions publicitaires, la police des enseignes publicitaires confiée aux maires, l'encadrement des loyers pour les logements peu performants énergétiquement et provisions pour rénovation énergétique dans les copropriétés, mesures de senseibilisation et formation professionnelle à l'écologie et à l'éco-conduite, tarifs de trains TER plus bas, création de zones à faibles émissions (ZFE) pour les communes de plus de 150.000 habitants, interdiction des vols intérieurs si une alternative de moins de 2h30 existe et comensation carbone de ces vols...

Deux déceptions cependant pour les "conventionnels". Tout d'abord, l'objectif de rénovation du parc de logements dès 2024, pourtant considérée comme l'une des mesures climatiques les plus efficaces. Le gouvernement a confié à Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la banque des territoires, une mission pour piloter une task force dédiée aux nouvelles offres de rénovation des passoires énergétiques. Cette dernière devra faire émerger des voies d'amélioration et des modèles de massification d'offres de rénovation globale des passoires énergétiques. Deuxième espoir déçu, celui de l'éco-conditionnalité des aides publiques. 

En revanche, le volet constitutionnel, visant à inscrire à l’article 1er de la Constitution que la France « garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique », suivra une voie d'adoption séparée après une présentation en Conseil des ministres prévue le 20 janvier. 

(Photo : Convention citoyenne pour le climat, DR)

Télécharger: Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - 08/01/2021 - PDF

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