HLEG : un plan d’action européen de long terme pour la finance verte et durable
Le High-Level Expert Group (HLEG) a rendu son rapport de mission à la Commission européenne. Le groupe de travail, constitué il y a un an, plaide pour une finance verte européenne unifiée au service des enjeux durables. Il souhaite introduire une taxonomie commune pour flécher et évaluer les instruments de financement, embarquer le long terme dans le devoir fiduciaire, adapter les modèles de risques des financiers et des entreprises qui détailleront l'évolution de la part verte de leur chiffre d'affaires à venir. Les réformes financières proposées convergent pour former une économie européenne durable des biens, des services et de l’épargne. Analyse (en accès libre).
Mobiliser 180 Md€ supplémentaires par an pour parvenir à l'objectif européen de 40% de réduction des émissions de CO2 en 2030 : c'est le challenge offert au secteur financier. Un défi qui nécessite une réforme de la définition, du fléchage, de l'évaluation et de la régulation d'une finance européenne qui doit se placer au service d'une économie réelle décarbonée.
"Il existe des preuves tangibles que les citoyens européens jugent importants les aspects sociaux et environnementaux dans la gestion de leur épargne et leurs investissements", souligne le rapport du High-Level Expert Group. Le HLEG estime que "les bénéfices d'un système financier durable sont substantiels et doivent être saisis maintenant" afin de rendre plus résilients des marchés instables, d'offrir un meilleur accès à des financements de long terme pour les entreprises, et de promouvoir un éventail de produits de placement qui reflète une vraie demande d'éthique et de durabilité.
La "double compression" du temps et du risque.
L'horizon de temps actuel utilisé pour les décisions financières est trop court pour apprécier correctement les risques de long terme liés au changement climatique, diagnostiquent les auteurs, dans le droit fil de la "tragédie des horizons" exprimée par Mark Carney.
Cette mauvaise perception systémique entraîne une impatience des marchés financiers, des entreprises dont le modèle économique n'incorporent pas les risques climat dans leurs projections financières de long terme, ou encore des mandats de gestion désalignés sur les intérêts de long terme des bénéficiaires finaux (épargne-retraite, fonds souverains).
Un court-termisme encouragé par les systèmes de notation, le droit actuel et le devoir fiduciaire ainsi que par la position des régulateurs qui souhaient rester "neutres" y compris face au risque climat. Des difficultés aggravées par une incapacité à définir ce qui est vert et ce qui ne l'est pas.
Une taxonomie commune
D'où la necessité de déployer un outil commun et rigureux, une classification robuste, s'imposant à l'ensemble des acteurs opérant dans l'UE. Un référentiel s'inscrivant dans la continuité de ceux existants, comme ceux del' EIB, de Nordic Investment Bank (NIB), de la Climate Bonds Initiative, d'APG et de FTSE Russell ou encore les Green Bond Principles en passant par les ODD et l'Accord de Paris.
Cette taxonomie, déclinée par secteurs d'activité, est également destinée aux gouvernements. Elle doit leur permettre de définir leurs plans de financement par rapport à leurs besoins en infrastructure, en énergie... sur une base commune avec les financeurs privés.
Pour les entreprises, les recommandations du HLEG sont également drastiques. Elles préconisent qu'elles décomposent dans leur rapport financier ou dans leurs présentations aux investisseurs les activités vertes et soutenables de celles qui ne le sont pas. Il s'agit de savoir quelle part du chiffre d'affaires est issue d'une activité soutenable et d’être en mesure de projeter et quantifier leurs stratégies dans le temps.
Une évolution du devoir fiduciaire
Les membres du High Level Expert Group veulent accélérer la prise en compte du risque climat par les investisseurs, estimant qu'il s'agit désormais d'une composante essentielle de la préservation des intérêts de long terme des bénéficiaires. Une évolution de la responsabilité fiduciaire devant se traduire également dans les mandats de gestion.
Les régulateurs, qu'ils soient nationaux ou européens, doivent incorporer les critères ESG pour les asset-owners et la chaîne d'intermédiaires afin de réconcilier les horizons de temps, mais aussi pour "mettre la pression par le bas" en renforçant le consentement du client (MiFID II) sur ses souhaits et sur la durabilité des politiques d'investissement qui lui sont proposées.
Il s'agirait enfin de tester les organes de gouvernance des institutionnels afin de s'assurer de leur capacité à appréhender les risques ESG de long terme et à discloser fidèlement ces derniers dans leur reporting.
Un reporting durable "mainstream"
Le HLEG appelle la Commission européenne à expérimenter au plus vite le reporting des impacts financiers des risques climatiques. Sur quelles bases ? Celles posées par la TCFD, qui sont aujourd'hui non-contraignantes, bien que 237 entreprises y aient déjà adhéré.
Il s'agit désormais de les rendre "mainstream" et de faire en sorte que les directions stratégiques s'en emparent. La taxonomie devrait aider à avoir une base d'évaluation commune pour analystes et investisseurs, ainsi que pour promouvoir les bonnes pratiques entre entreprises. Les indices boursiers eux-mêmes devraient discloser la teneur en carbone des actifs qu’ils agrègent.
Des labels ISR européens
Le comité insiste sur la necessité de mettre fin à la guerre des labels et certifications.
Pour développer efficacement l'offre de produits de placements verts proposés par les banques de détail, la création de labels ISR européens est préconisée.
Les auteurs du rapport constatent que 40% des encours de placement dans l'UE sont constitués par l'épargne des ménages. Les 2/3 des épargnants considèrent comme "importants" le respect de critères sociaux et environnementaux (ESG) dans les produits qui leur sont proposés. Ils peinent à se retrouver dans une offre commerciale souvent "autoproclamée ISR ou ESG".
La proposition du HLEG est similaire pour les instruments de financement. Elle vise à renforcer la crédibilité des green-bonds via un standard européen. Dans un marché globalisé et concurrentiel, tant du côté émetteurs (Chine) que du côté labellisateur (CBI et Climate Bonds), ce référentiel européen permettrait de créer les conditions de la transparence entre émetteurs et investisseurs.
Ce rapport, qui a nécessité un an de travail par une vingtaine de personnalités de la société civile, de la finance et de la recherche sous la présidence de Christian Thimann (par ailleurs directeur Stratégie et Affaires publiques du groupe Axa), est maintenant entre les mains de la Commission Européenne pour l’élaboration de ses mesures sur la finance durable. Comme le préconise le rapport, la Commission devra aussi, ce faisant, s’attacher à réduire les inégalités entre régions européennes et à intégrer la dimension sociale de ces recommandations.
LIENS DE L’ARTICLE
site web: HLEG - rapport final - 31 janvier 2018 (PDF, anglais): https:////ec.europa.eu/info/publications/180131-sustainable-finance-report_en
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