Le capital-investissement s'approprie les critères ESG

Dans la seconde version de son Guide ESG, France Invest détaille les pratiques des fonds de Capital Investissement, "acteurs du développement durable". Après huit ans d'efforts, ces engagements sont maintenant crédibles de la part des sociétés de gestion et de leurs bailleurs de fonds, et n'ont rien à envier aux bonnes pratiques des grands groupes (en accès libre).
"L'ESG est un des éléments centraux de notre performance future et de notre capacité à mobiliser plus de fonds et d’épargne pour contribuer à la croissance de l’économie. C’est aussi la meilleure façon pour nous de solidifier notre "licence to operate" durablement", déclare Olivier Millet, le président de France Invest (l'ex-AFIC), l'association qui réunit la quasi-totalité (308) des fonds d'investissement français. "L’expérience montre qu’aujourd’hui le sujet ESG est adressé tant dans le Venture, la Dette, l’Infrastructure, l’Immobilier que le LBO, et que l’on soit majoritaire ou minoritaire, y compris en small cap", insiste Candice Brenet, la présidente de la Commission ESG de l'association et managing director d'Ardian. Cette seconde édition de ce guide ESG, plus touffue (près de 100 pages), élaborée avec PwC, succède à celle publiée en 2010 qui faisait état des pratiques naissantes autour de la RSE - ESG et du Développement Durable dans les sociétés de gestion.
Ce que contient le guide :
- Un intégration des critères ESG par les sociétés de gestion initialement motivée par les impératifs de levée de fonds, à laquelle s'ajoute maintenant un intérêt en tant qu'investisseur pour la bonne gestion des risques et de la performance du portefeuille de sociétés en participation.
- Une approche ESG qui tend à couvrir tout le cycle de vie d'une participation plutôt que la seule décision d'investissement. Comment? Via l'arrivée de clauses ESG dans le contrat de cession et dans le pacte d’actionnaires, de plans d’actions ESG à "100 jours" puis à 1, 2 ou 3 ans, la mise en place du reporting ESG annuel et de la collecte de KPIs, et la préparation des aspects extra-financiers de la cession.
- Des bailleurs de fonds (Limited Partners ou LPs) entraînés par de gros institutionnels (Caisse des Dépôts, ERAFP, FRR ...) qui attendent une démonstration formalisée de l'approche ESG de la société de gestion pour elle-même, et qui étendent de plus en plus cette exigence au niveau du portefeuille de participations et de sa vie dans le temps.
- Un fort taux d'adhésion à des codes de transparence (160 signataires des UN - PRI) et l'existence d'un code de transparence interne (Initiative Climat 2020 ou IC20) lancé par des bailleurs de fonds investisseurs institutionnels (une vingtaine d'adhérents).
- Les opérations significatives d'acquisition ou de cession ont fréquemment recours à des audits (due-diligences) RSE ou Développement Durable (plus de 580 en 2016).
- Une structuration en marche des sociétés de gestion : coordination ESG, voire comités dédiés avec le Comité d’Investissement du fonds, avec les conseils externes spécialisés le cas échéant (Due Diligence) et avec les chargés d'investissement en lien avec les sociétés en participations. 90 % des structures françaises ont alloué des ressources dédiées à l’intégration des questions ESG dans le processus d’investissement et plus de 40 % ont confié ce rôle à au moins un membre de leur équipe à temps plein
- Des critères ESG qui recoupent ceux des entreprises, avec en premier lieu l'éthique et la qualité de la gouvernance du fonds d'investissement et, l'effectif des équipes d'investissement étant souvent modeste, les enjeux RH. L'approche de matrice de matérialité fait son entrée dans les sociétés de gestion.
- Un réel effort de formation des équipes d'investissement au sein des fonds d'investissement et une collaboration transversale entre eux sur les thématiques et approches ESG, et l'introduction de critères de rémunération variables indexés sur des critères extrafinanciers.
- Deux chapitres "comprendre l'ESG" et "corpus réglementaire" clairs et complets avec les grandes étapes réglementaires applicables aux investisseurs.
Un bémol tout de même : malgré un "ESG Disclosure Framework" et un Due Diligence Questionnaire (DDQ) "Investissement Responsable" élaboré par les PRI, les investisseurs en capital peinent à répondre à leurs LPs qui ont des questionnaires disparates. France Invest propose là dessus deux listes de 11 indicateurs communs incontournables, pour la société de gestion et pour son portefeuille.
Ce que nous aurions aimé y lire :
- La modulation en fonction de critères extra-financiers de l'intéressement du fonds d'investissement à la plus value réalisé ("carried-interest").
- Le (faible) degré d'appréciation ESG de la part des banques dans le montage de la dette d'acquisition.
- La dispersion des pratiques ESG par segment : capital risque, LBO et "build-up", infrastructure, retournement, impact investing ?
- Le degré ou les challenges spécifiques d'intégration ESG dans des acquisitions à l'étranger.
- Une mise en perspective plus détaillée du plan d'action de la Commission Européenne pour une finance verte et durable dans le droit-fil des travaux du HLEG, et les apports du projet de loi Pacte par rapport à l'impact investing.
LIENS DE L’ARTICLE
site web: ESG TOOLKIT FOR FUND MANAGERS: http://toolkit.cdcgroup.com
site web: Guide ESG France Invest 2018 (PDF): http://www.franceinvest.eu/uploads/_afic/home_slide/livre-blanc-pwc-france-invest-2018-web-version.pdf