Marie Luchet : "face aux urgences environnementales, les investisseurs doivent faire davantage" (UN-PRI)

Propos recueillis par Antonin Amado | 09 Septembre 2019 | 778 mots

PRI 2019

La réunion des Principes pour l’Investissement Responsable (PRI in Person), un réseau international d’investisseurs soutenu par les Nations Unies, a lieu du 10 au 12 septembre à Paris. L’occasion pour plus de 1700 participants, venus du monde entier, de faire le point sur la finance durable. Pour Marie Luchet, directrice Europe des Principles for Responsible Investment (UN-PRI), les acteurs de la finance durable ne sont pas suffisamment mobilisés, particulièrement face aux urgences environnementales (en accès libre).

RSEDATANEWS : la réunion des PRI a lieu chaque année dans un pays différent. Elle se tient à Paris du 10 au 12 septembre. Faut-il y voir un symbole particulier ?

Marie Luchet : la conférence a lieu chaque année sur un continent différent. Elle a eu lieu à San Francisco l’an dernier. Même si nous sommes désormais présents dans 54 pays, la plupart de nos signataires sont basés en Europe. Après les États-Unis et le Royaume-Uni, la France est le pays qui compte le plus de signataires. Elle fait partie des plus avancés et a d’ailleurs mis en place un écosystème favorable pour la finance durable. Tous ces éléments expliquent pourquoi les PRI ont lieu à Paris aujourd’hui.

RSEDN : Quels sont les grands objectifs cette conférence ?

M. L : nous aborderons cette année les urgences climatiques et environnementales. Nous voulons faire passer le message que les investisseurs doivent faire davantage, même s’ils sont déjà mobilisés sur ces questions.

"Très peu d'investisseurs alignés sur une stratégie 2 degrés"

RSEDN : Sur la question du climat, la finance verte reste toujours loin d’être mainstream. C’est particulièrement vrai pour le marché indiciel, qui est très largement majoritaire. Les membres des PRI en sont-ils conscients ? Quelles sont leurs initiatives pour inverser cette tendance ?

M. L : aux PRI, nous encourageons nos membres à intégrer les critères ESG à l’ensemble de leurs classes d’actifs. Y compris dans leur gestion passive. Tous les investisseurs ne font pas encore l’évaluation de l’intensité carbone de leurs portefeuilles. Et parmi ceux qui la mesurent, très très peu sont alignés sur une trajectoire "2 degrés", qu’il s’agisse de gestion indicielle ou de gestion active.

RSEDN : il sera évidemment beaucoup question de la commission européenne et de ses projets de taxonomie verte, de mise en place de benchmarks et labels verts et de normalisation des référentiels green-bonds. Pensez-vous que ce qui se passe en Europe actuellement va se dupliquer en Asie et sur le marché américain ?

M. L : il va sans dire que les PRI soutiennent le plan d’action de la Commission européenne sur la finance durable. Nous étions d’ailleurs rapporteurs du groupe consacré à la taxonomie, ce qui démontre notre engagement sur le sujet. Plusieurs membres des PRI sont par ailleurs membres des groupes techniques assemblés par la Commission. Nous cherchons à utiliser l’argumentation développée au cours de ces travaux pour pousser d’autres pays dans la même direction. Maintenant, rien n’indique pour l’instant que ce soit le cas.

RSEDN : le rôle des régulateurs sera aussi évoqué. Est-ce désormais aux banques centrales et aux agences de contrôle des marchés de "tordre le bras" de l’industrie financière pour que leur modèle économique soit compatible avec un scénario 2 degrés qui respecte également la biosphère et lutte contre les inégalités ?

M. L : tous les acteurs de l’écosystème ont leur rôle à jouer pour que les acteurs financiers progressent de manière suffisamment forte. Les régulateurs doivent évidemment jouer le leur. Il existe aujourd’hui plusieurs centaines de réglementations dans le monde qui évoquent la finance durable d’une manière ou d’une autre. Mais là encore, la France est en avance notamment grâce au programme sur la question récemment publié en commun par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et la Banque de France via l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) - lire nos articles ci-dessous.

RSEDN : Des annonces sont-elles attendues ? Sur quels thèmes en particulier ?

M. L : pour la première fois, les PRI ont identifié un groupe d’investisseurs institutionnels leaders qui ont mis en place les meilleures pratiques d’intégration des enjeux ESG dans la sélection de leurs sociétés de gestion (asset-managers). Nous comptons environ 400 investisseurs institutionnels parmi les 2500 signataires des PRI. Une quarantaine d’institutionnels dont 7 français ont été identifiés comme leaders sur ce sujet.

RSEDN : les PRI ont-ils vocation à intégrer d’autres initiatives, tel que l'IC20 porté par France Invest ?

M. L : nous n’avons pas vocation à intégrer d’autre initiatives. Mais nous avons en revanche vocation à nouer des partenariats forts, à l’image de celui que nous avons noué avec France Invest. Les PRI soutiennent d’ailleurs l’initiative IC20 (qui compte 23 adhérents, NDLR) qui a été présentée au side event sur le private equity aujourd’hui.

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