L'assureur AXA adopte une stratégie climat inédite et ambitieuse

"La meilleure politique jamais adoptée par un acteur financier". C’est ainsi qu’une coalition d’ONG (unfried coal, Les Amis de la Terre, Urgewald et Beyond coal qualifie la nouvelle stratégie climat présentée ce mercredi 27 novembre par le groupe d'assurances AXA. Une annonce forte qui intervient juste avant le Climate Finance Day et la COP25. Détails (en accès libre).
AXA frappe fort sur le front de la lutte contre le changement climatique. Le groupe avait déjà été précurseur en 2015 en étant le premier acteur financier d’envergure mondiale à définir une stratégie climat ambitieuse. Il avait ensuite été rejoint puis dépassé par d’autres groupes, Allianz et Generali notamment. Mais avec les annonces de ce jour, AXA récupère son leadership climatique.
Concrètement, le groupe annonce qu’il s’engage à :
- sortir du charbon d’ici 2030 dans les pays de l’Union Européenne et de l’OCDE. Et d’ici 2040 dans le reste du monde,
- demander aux entreprises concernées (qu’elles soient clientes ou en portefeuille) et dans lesquelles AXA est investi l’adoption d’ici 2021 d’un plan de sortie ou de fermeture quand c’est possible de leurs infrastructures charbon,
- désinvestir de toutes les entreprises qui ont plus de 10 GW de capacité de production d'énergie à base de charbon,
- aligner ses investissements sur une trajectoire 1,5°C et rejoindre la Net Zero Asset Owner Alliance, une coalition d'investisseurs institutionnels qui s'engagent à réduire à zéro les émissions induites par leur portefeuille d’investissements d'ici 2050 afin de s’aligner avec une trajectoire de réchauffement 1,5° C,
- désinvestir de toutes les entreprises qui développent de nouveaux projets de mines, centrales ou infrastructures charbon,
- adopter une tolérance zéro assurancielle vis-à-vis des entreprises qui développent de nouvelles mines et centrales de charbon: ces entreprises sont exclues de toute couverture en assurance sauf en ce qui concerne les salariés
- ne plus fournir de couvertures d’assurances autres que pour des projets d’énergies renouvelables aux entreprises qui tirent plus de 30% de leurs revenus de production d’électricité à partir de charbon ou qui produisent plus de 20 millions de tonnes de charbon par an,
- lancer une nouvelle classe d’actifs baptisée "transition bonds" (obligations de "transition", NDLR), émise avec Crédit Agricole et portée par AXA IM la branche de gestion d'actifs du groupe), visant à accompagner certains secteurs vers des modèles économique bas carbone,
- doubler l’objectif d’investissements verts, à 24 milliards d’euros à horizon 2020.
"Pas d’angle mort"
Les ONG environnementales ne cachent pas aujourd’hui leur satisfaction, estimant "qu’en restreignant radicalement ces couvertures d’assurances aux entreprises très exposées au secteur et en demandant aux autres entreprises de publier un plan de sortie d’ici 2021. […] toutes les entreprises ayant des activités sur la chaîne de valeur du charbon sont concernées. AXA se dote ainsi de la meilleure politique jamais adoptée par un acteur financier, la seule alignée avec la science climatique".
À deux jours du Climate Finance Day et juste avant le lancement de la COP 25 qui débute à Madrid ce 2 décembre, la nouvelle stratégie d’AXA a de quoi "faire pâlir BNP Paribas, SCOR et les autres acteurs financiers internationaux" affirme Lucie Pinson (lire son interview ci-dessous) chargée de campagne finance privée pour les amis de la terre et coordinatrice de la campagne Unfriend Coal. Pour elle, la politique d’AXA n’a pas d’angle mort. Même Engie et EDF sont appelées à adopter un plan de sortie du charbon d’ici 2021.
Pourtant, au-delà de la satisfaction affichée, les ONG citées plus haut restent sceptiques sur les "transition bonds". Elles estiment qu'AXA "n'aidera pas la transition ni les populations en finançant, à travers ces obligations, de nouveaux projets d'énergies fossiles. D'une part, comme le reconnait le directeur exécutif de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), le budget carbone ne laisse pas de place à de nouveaux projets émetteurs de CO2 et le gaz, même pour le trafic maritime [...] Pour être sincères, ces obligations de transition doivent financer des entreprises qui s'engagent à aligner progressivement leurs activités sur une trajectoire 1, 5°C, adoptent des objectifs de décarbonation de court, moyen et long terme fondés sur la science, comprenant notamment un plan de sortie des énergies fossiles".
Elles rappellent enfin que si AXA fait preuve de leadership en matière de sortie du charbon, tout reste à faire sur le gaz et le pétrole.